La carte et le territoire, parcours d’exils
Trouver le sens dans le contre sens, les sens interdits, avancer face au Mistral puis longer les murs de la ville. S’y perdre, s’y retrouver. Trouver l’essence, l’essentiel. Debout KO au milieu du chaos, nous avançons. Que sont nos rêves devenus ? À quoi faut-il jouer quand tout se joue de nous ? Qu’est ce qui se dit dans ce qui ne se dit pas ? Décoder les codes d’un monde qui se transforme, se transfigure, s’abîme, se fissure. Y lire aussi et entre les lignes tous les cris muets des exilés d’ici ou d’ailleurs. Des sans voix. Des qui cherchent leurs voies, une voix, un port, un refuge. Des qui veulent aussi, rage au coeur, rester ce qu’ils sont. Garder sous le pied une trace de la racine.
La street-photographie révèle à travers son écriture et peut être plus efficacement que de longs discours, le destin commun d’une société, cette dimension humaine de la plate vérité historique. Il fallait aussi dire Marseille autrement : dévoiler une partie de son âme, sa fragilité sous la brutalité, cette arrogante irrévérence que les gens d’ici portent comme un emblème d’où qu’ils viennent, et qui les rassemblent. A Marseille c’est peut être le souk, mais « on craint dégun »… Elle est là, l’énergie unique de cette ville. Le soleil et la Méditerranée y sont aussi pour quelque chose.
Natacha Mars, parisienne de naissance, l’a choisie après avoir beaucoup voyagé à travers les pays du sud, les sociétés traditionnelles. Ancienne journaliste devenue thérapeute, une vie aux antipodes, partout elle a appris a replanter sa tente, trouver son chez soi chez les autres, son soi à soi en terres inconnues. Connaître, reconnaître et renaître. Aujourd’hui elle est d’ici tout en étant toujours d’ailleurs. Comme ceux qu’elle photographie dans la rue, sur la plage. Avant de parler il faut savoir se taire, observer les gens, les écouter. Les regarder vivre et puis sourire. Après seulement, tenter avec délicatesse, un zeste d’humour, de raconter en une image, une petite histoire. Comme un conte, une métaphore. Se faire, et avec humilité, la voix des sans voix. La photographie est devenue son double langage. Dire tout bas les signes de l’invisible, extraire la lumière de sa gangue de plomb, fondre l’inutile bavardage éclos des abîmes jusqu’à retrouver le sel. Le sel de la mer, celle qui les a tous portés jusqu’ici, celle qui relie les continents, les terres et les îles. Le sel de la vie.
Marseille, septembre 2017
« La carte n’est pas le territoire » Alfred Korzybski