Arles, the sedentary gypsies
« Laisse Béton »
Quai des Platanes, le premier lotissement en dur construit pour la plus ancienne communauté gitane de la cité Arlésienne se présente en modèle dans le processus de sédentarisation d’une ethnie longtemps jugée incontrôlable. Sortis de terre en 2004, les quarante sept logements de béton avaient d’emblée joué la carte de l’intégration sociale. Formes cubiques et toitures en zinc arrondies, son architecture évoque les roulottes sur lesquelles les arrières grands parents des actuels locataires de ce parc HLM étaient arrivés, tirés par des chevaux depuis leur Catalogne natale, il y a cent cinquante ans. Quinze ans plus tard, la vie ici reste rude. La plupart vivent d’emplois précaires, travailleurs saisonniers, vendeurs sur les marchés. Les allocations familiales et le RSA permettent de boucler tant bien que mal les fins de mois. Une fois par semaine, les femmes font leurs courses aux Restaurants du Coeur. Elles y vont la tête haute. Fierté gitane chevillée au corps. Et puis survivre c’est aussi se battre pour préserver son identité. Aujourd’hui, le projet d’enracinement présente un bilan contrasté. Les plus jeunes, mieux scolarisés, mieux intégrés, ne semblent pas prêts à faire machine arrière. Disposer d’une chambre à soi, une baignoire et du chauffage en hiver, la ville et son animation à deux pas du lotissement, sont des acquis qui pèsent lourds dans la balance. Aujourd’hui ils sont aussi de plus en plus nombreux à quitter le clan pour se marier ailleurs, avec des non-Gitans. Les plus anciens parlent d’une même voix : « Nos traditions, notre culture, finiront par disparaitre. Le béton c’est notre prison, on ne nous a pas demandé ce qu’on voulait et ce mode de vie on ne s’y est jamais fait». Ceux qui ont connus la vie d’avant militent pour se voir attribuer un terrain en pleine Camargue. Un endroit, un carré d’herbe sur la route des Saintes Maries de la Mer, où planter de nouvelles caravanes, où finir leurs jours. Pourvu qu’il y ait des roues sous la maison. Et même si elles ne tournent pas. Même s’il n’y a nulle part ou aller. L’idée d’une mobilité possible, comme une ancre accrochée à la surface d’une planète toute ronde et dont on pourrait faire le tour sans jamais s’arrêter. Ne serait-ce que dans la tête. On ne désapprend pas le gout de la liberté.
Natacha Mars, Arles, Juillet 2019
Quai des Platanes, the first concrete social housing built for the oldest gypsy community in the Arlésienne city, is a model in the process of settling an ethnic group that has long been considered uncontrollable. Out of the ground in 2004, the forty-seven concrete dwellings had immediately played the card of social integration. Cubic forms and rounded zinc roofs, its architecture evokes the trailers on which the great-grandparents of the current tenants of this low-income housing park arrived, drawn by horses from their native Catalonia in Spain, one hundred fifty years ago. Fifteen years after, life here remains harsh. Most live from precarious jobs, seasonal workers, sellers on the markets. Family allowances and the RSA make it possible to make ends meet. Once a week, women shop at the Restaurants du Coeur. They go there with their heads held high. Gypsy pride in their bodies. And surviving is also about fighting to preserve your identity. Today, the project of rooting presents a contrasting record. The younger, better educated, better integrated don’t seem to be ready to back down. Having a room of your own, a bathtub and heating in winter, the city and its animation close to the subdivision, are major arguments to stay here. Today they are also more and more leaving the clan to marry elsewhere, with non-Gitans. But the oldest speak with one voice : « Our traditions, our culture, will eventually disappear. Concrete is our prison, we were not asked what we wanted and this way of life we never got used to». Those who have known life before are campaigning to be given land in the middle of the Camargue. A place, a patch of grass on the road of Saintes Maries de la Mer, where to plant new caravans, where to end their days. As long as there are wheels under the house. And even if they don’t turn. Even if there’s nowhere to go. The idea of a possible mobility, like an anchor hung on the surface of a planet all round we could go around without ever stopping. Maybe just in the head. You don’t unlearn the taste of freedom.
Natacha Mars, Arles, July 2019